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Une équipe de chercheurs français a mis en évidence l'impact d'un insecticide sur les abeilles. Pour les apiculteurs, il s'agit d'une avancée majeure face aux polluants chimiques qui précipitent l'effondrement des colonies.

Cela fait une quinzaine d'années que les apiculteurs vivent la malédiction de Cassandre : prédire la catastrophe sans être crus. En 1994, les insecticides neurotoxique « néonicotiniques » ont été mis sur le marché. Et depuis, l'effondrement des colonies d'abeilles n'a fait que s'amplifier. Mais aux cris d'alarme des apiculteurs répondait au mieux l'indifférence des pouvoirs publics, au pire l'argumentaire des chimiquiers. Car comme on ne retrouvait pas de cadavres d'abeilles empoisonnées dans les ruches… Pas de cadavres, pas de crime plaidaient les avocats. C.Q.F.D. Et fermez le ban dans une France consommant quatre kilos de pesticides par an et par habitant, record d'Europe. Or la donne va sans doute changer… Car le 29 mars dernier, une équipe de chercheurs français a publié une étude sans ambiguïté dans la prestigieuse revue américaine Science. Et il y aura un « avant » et un « après ».

Avant ? L'insecticide cruiser était ainsi fortement soupçonné de provoquer la désorientation des abeilles avec pour corollaire une mortalité anormale des butineuses loin de leur ruche. Désormais ? Les faits sont là. Mise en examen par des chercheurs, sa principale molécule, le thiaméthoxam, a révélé qu'elle perdait ses victimes, sans espoir de retour vers la ruche.

« Nous avons équipé 663 abeilles d'une puce RFID, identifiant l'individu par radio fréquence. La moitié de ces butineuses avait préalablement été nourrie avec une solution contenant une très faible dose de pesticide. Puis nous les avons relâchées à un kilomètre de leur ruche, distance moyenne d'un vol d'alimentation pour une abeille » explique Mickaël Henry, chercheur à l'INRA.

Jusqu'à 75 % de pertes
Bilan à l'arrivée ? « La probabilité de se perdre et de disparaître est de deux à trois fois plus élevée pour les abeilles exposées au pesticide » relève-t-il. Plus grave : « combinée à la mortalité naturelle, cette disparition liée à l'insecticide aboutit à une mortalité journalière de 25 % à 50 % chez les butineuses intoxiquées, soit jusqu'à trois fois le taux normal » indiquent les statistiques de cette toute première étude en conditions réelles, dont les résultats montrent aussi que si la majorité des butineuses étaient contaminées chaque jour, l'effectif de la colonie pourrait chuter jusqu'à 75 %.

Ce faisant, « cette étude est une avancée majeure pour la biologie et le comportement des abeilles » se réjouit Joël Schiro, président du syndicat des apiculteurs professionnels de Midi-Pyrénées. Et convaincu depuis 30 ans que la majorité des molécules chimiques « provoque des intoxications sans mortalité apparente », il demande donc que « ce test soit intégré dans le processus d'homologation de tous les produits phytosanitaires».

Mais à l'instar des scientifiques, il sait aussi que les pesticides, s'ils fragilisent les ruches, ne sont pas les seuls responsables de l'effondrement des colonies. Parasites, pollution, autre intoxication ? « Il ne faut pas s'arrêter au seul cruiser, il faut continuer à chercher », prévient-il. Illustrant de deux chiffres la catastrophe actuelle. « Il y a 15 ans, la France produisait 40 000 tonnes de miel, elle en produit 15 à 20 000 aujourd'hui».